Tout est bien

 

Les gens se demandent souvent comment ils peuvent mesurer leurs progrès spirituels. Certaines personnes pensent que leurs progrès reposent sur leurs connaissances approfondies, acquises par l’action heureuse de la lecture de livres spirituels ; d’autres, sur le nombre d’expériences qu’elles ont à l’intérieur quand elles méditent sur la Lumière et le Son intérieurs ; d’autres encore regardent dans leur journal d’introspection pour vérifier combien de catégories de vertus elles ont intégrées. Or, l’une des caractéristiques du progrès spirituel est la confiance et l’acceptation de la volonté de Dieu. Les gens trouvent cela facile à faire lorsque la situation est rose et que tout va comme ils le souhaitent. Mais, combien font confiance à la volonté de Dieu lorsque les choses semblent sombres et moroses dans leur vie ?

Si nous voulons mesurer nos progrès par rapport à ceux qui en sont venus à accepter la volonté de Dieu comme étant toujours bonne pour nous, nous pourrons tirer des leçons de l’exemple donné dans l’histoire suivante.

Voici le récit d’un roi de l’Inde ancienne. Ce roi était toujours accompagné d’un ministre, bien connu pour sa sagesse en toutes choses. Chaque fois qu’un problème survenait dans le royaume, le souverain consultait le ministre pour obtenir son avis. Il l’estimait beaucoup, mais il n’appréciait pas la fâcheuse habitude qu’avait ce ministre de répéter en toutes circonstances :

« tout est bien, tout est bien ! »

Le roi se disait : « Comment peut-il être aussi serviable et sage, tout en ayant cette fâcheuse tendance de toujours dire que tout est bon. Qu’est-ce qui ne va pas chez lui ? » Mais puisque le ministre l’aidait dans tellement d’affaires d’État, le roi tolérait cette habitude.

Cependant, un jour où le roi se promenait à cheval dans la forêt, un serpent rampa devant l’animal. Effrayé, le cheval se cabra, désarçonna son cavalier dont le pied resta pris dans l’étrier, et le cheval s’enfuit au grand galop traînant derrière lui le pauvre roi. Quand finalement le cheval s’arrêta, épuisé, le roi était dans un piteux état : couvert d’ecchymoses, de déchirures, d’égratignures. Une fois retrouvé, quand son médecin l’examina il remarqua ses multiples blessures et nota la perte d’un orteil.

Ramené au palais, le roi demanda à voir son ministre et lui raconta sa mésaventure. Il lui montra ses blessures et son orteil manquant, ce à quoi le ministre répliqua : « Tout est bien ! »

À ce moment-là, le roi perdit toute patience et cria à son ministre : « Comment pouvez-vous dire que cela est bon ? » Et dans un accès de colère, il le congédia : « Je vous renvoie. Je ne veux plus de vous comme ministre ! Regardez, j’ai perdu un orteil et tout ce que vous trouvez à dire, est que… tout est bien ! Quittez mon palais immédiatement et n’y revenez plus jamais ! » Le ministre répondit : « Tout est bien. » Il se rendit à sa résidence, fit ses bagages et quitta le royaume.

Le roi se grattait la tête en songeant : « Qu’est-ce qui ne va pas chez cet homme ? Je perds un orteil et il dit que tout est bien ; je le congédie et il reprend encore que tout est bien. »

Alors le roi se trouva un nouveau ministre qui ne répétait pas continuellement que tout était bien, quoi qu’il arrive. Avec le temps, le pied du roi guérit et il s’habitua à marcher avec un orteil en moins.

Comme il aimait sortir à cheval, le roi fit une autre randonnée en forêt une fois son pied guéri, accompagné de quelques membres de sa suite. Toutefois, sans trop savoir comment, il se trouva séparé de ses compagnons et fut attaqué par les membres d’une tribu hostile dont le territoire était adjacent à la forêt. Ces hommes avaient tendu une embuscade au roi. Ils le capturèrent, le ligotèrent et l’amenèrent dans leur village.

Les compagnons de voyage du roi qui avaient emprunté un autre sentier dans la forêt, n’avaient rien vu, ni entendu de ce qui s’était passé. Ils cherchèrent et cherchèrent en vain le roi et… finalement revinrent au palais, bredouilles !

Pendant que cette tribu l’amenait dans leur village, le roi tremblait de peur, car il avait entendu dire qu’elle était connue pour offrir des sacrifices humains à ses divinités. Il craignit le pire quand les membres de la tribu se mirent à le laver, à le parer et à le revêtir d’un vêtement d’apparat. Puis, ils décorèrent leur village avec des ornements de toutes sortes et se mirent ensuite à chanter et danser. À cet instant, le roi sut qu’il en était fait de sa vie, car leur coutume était de sacrifier les prisonniers à leurs divinités.

Le lendemain matin, ils lui nouèrent une corde au cou et l’amenèrent comme un animal, au lieu du sacrifice. Sa peur était si forte que tout son corps tremblait d’effroi. Lorsque le chef de la tribu sortit un long couteau, le roi faillit s’évanouir, car il savait que sa fin était proche. Le grand prêtre exécuta alors une danse autour du roi, danse ponctuée d’arrêts où il vérifiait son visage, son tronc ses bras ; bref, il vérifiait chaque partie du corps du roi. Soudain, le chef fit un signe de la main, faisant cesser brusquement musique et danse. Et d’une voix forte, s’écria : « Non ! Il n’est pas bon ! Nous ne pouvons pas offrir en sacrifice un homme à qui il manque un orteil et qui a une cicatrice au pied. Nous ne pouvons pas offrir à notre divinité quelqu’un d’imparfait. Libérez-le ! »

Quelques membres de la tribu le ramenèrent donc dans les bois où il fut libéré, et le roi, soulagé d’avoir la vie sauve, rentra chez lui. Il traversa la forêt aussi vite que possible et rejoignit enfin la sécurité de son royaume !

Le roi revivait en pensée sa mésaventure quand tout à coup il se souvint du sempiternel, tout est bien, que son ministre avait prononcé en voyant son orteil arraché. Alors, il convoqua immédiatement son ancien ministre et à son arrivée, lui raconta toute l’histoire de sa capture par la tribu dans la forêt.

À la fin, il lui avoua : « Je suis désolé de m’être mis en colère contre vous. Vous aviez raison de dire que “tout est bien” quand j’ai perdu mon orteil. Grâce à cette blessure qui m’a coûté un orteil, je n’ai pas été offert en sacrifice par le peuple tribal. Néanmoins, je me demande pourquoi vous avez déclaré que tout était bien quand je vous ai congédié. »

« Sire, Dieu a toujours le meilleur plan pour chacun d’entre nous, mais souvent nous n’en sommes pas conscients lorsqu’un malheur nous arrive. Si vous ne m’aviez pas renvoyé ce jour-là, j’aurais été à vos côtés quand vous êtes sorti à cheval… et l’on m’aurait capturé moi aussi. Lorsqu’ils vous ont rejeté, j’aurais été le prochain à être sacrifié puisque j’ai tous mes orteils. Ils m’auraient donc tué ! »

Le roi acquiesça : « Vous aviez absolument raison. Ce fut donc une bonne chose de perdre mon orteil, ce qui m’a sauvé la vie. Et ce fut également une bonne chose de vous avoir congédié ; donc vous n’étiez pas avec moi quand je fus capturé, ce qui vous a sauvé la vie.

Je m’excuse d’avoir douté de votre sagesse. Vous aviez vraiment raison quand vous disiez que tout est bien. Je vous en prie, redevenez mon ministre et mon conseiller dès maintenant. » Ce sur quoi le ministre répondit : « Oui, tout est bien ! »

Souvenons-nous de quelques incidents où l’on croyait traverser l’heure la plus sombre de notre vie. Nous pensions que Dieu nous avait abandonnés et nous laisserait souffrir sans arrêt. Or, au fil du temps, nous avons constaté que ce que nous avions pris pour quelque chose de mauvais s’était finalement avéré être pour notre bien ultime.